資料來源: Google Book

Prométhée enchaîné

S'il fallait résumer l'état civil de Prométhée en quelque Who's who de l'Olympe antique, cela pourrait donner : " Titan, fils du Ciel et de la Terre. Déroba le feu céleste pour le donner aux hommes. Zeus le condamna à rester enchaîné sur un mont du Caucase où Héraklès le délivra au bout de trente mille ans ". En apportant le feu aux hommes, Prométhée a fait bien plus que leur permettre de cuire et consommer des viandes sacrificielles. Il leur a apporté la lumière - ne faudrait-il pas dire les Lumières ? - celle qui aide l'homme à se sentir responsable et à tracer lui-même son avenir, au moins dans les domaines qui sont les siens. Et c'est cela sans doute que Zeus ne lui pardonna pas. Dans Prométhée enchaîné, le supplicié est exposé d'emblée, sans voile aucun, face au public qui sera, du début jusqu'à la fin, témoin de son martyre. Un décor inhumain comme un désert sans vie, une atmosphère ou un climat à mi-chemin du rêve et de l'horreur, faite de chars ailés, de messagers célestes et même d'une princesse envoûtée et muée en une vache errante et éplorée, tout cela nous entraîne dans un monde de légendes primitives et brutales, une sorte de voyage au-delà du réel. Jean-Paul Savignac suit Eschyle pas à pas, rythme à rythme, en épousant le cours même du langage. Les mots, ici, sont à la hauteur du défi posé par l'histoire et par le personnage. A hauteur du refus qu'il incarne de se soumettre à un pouvoir injuste et arbitraire. A hauteur de la rébellion qu'il proclame pour préserver, sur cette terre, l'avenir de l'aventure humaine. Mais oui, il s'agit aussi de cela. Et c'est bien cela qui émane de la pièce et de son texte français : entendre tour à tour le murmure, la plainte, la rumeur, le grondement, le hurlement des êtres et des combats des premiers temps du monde. Jacques Lacarrière
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